LE ROMAN-FEUILLETON A LA BELLE EPOQUE
A la Belle Epoque le roman devient un genre littéraire majeur. Avec la généralisation de l’alphabétisation le goût de la lecture touche les couches populaires.
Les romans paraissent dans les journaux sous forme de roman-feuilleton c’est-à-dire par tranches quotidiennes, dans une rubrique spécifique appelée « feuilleton » ou « rez-de-chaussée», à savoir la partie inférieure de la page. Chaque publication se termine par la mention « à suivre » invitant le lecteur à consulter le numéro suivant afin de laisser peser le suspens après chaque numéro.
La publication par épisodes dans les journaux s’impose progressivement à partir de 1836. Ces romans-feuilletons sont souvent décriés, considérés comme une sous-production littéraire. Pourtant de grands auteurs furent feuilletonistes à leurs heures : Guy de Maupassant, Barbey d'Aurevilly, Émile Zola, Jules Verne et bien d’autres
Les quotidiens nazairiens succombent à cette mode au grand plaisir de leurs lecteurs.
Des romans-feuilletons pour tous les gouts
Le Phare de la Loire comme tous les quotidiens de l’époque publie chaque jour en rez- de-chaussée son feuilleton. Voici quelques titres parus :
- De l’exotisme avec Le Prince Zilah de Arsène Arnaud Clarétie (1840-1913), dit Jules Claretie ou Jules Clarétie, membre de l’académie française.
- Des romans policiers avec la « La main coupée » de Fortuné Hippolyte Auguste Abraham-Dubois, dit Fortuné du Boisgobey, (1821-1891) auteur de romans judiciaires et policiers mais aussi de romans historiques et de récits de voyage
Des romans-feuilletons militants
Le journal "La Démocratie de l’Ouest" fait un autre choix en publiant des romans-feuilletons d’auteurs en lien avec son courant de pensée.
Pour mémoire le journal « La Démocratie de l’Ouest » est fondé en 1883 par un jeune ouvrier typographe Eugène Couronné, né à Saint Nazaire en 1861 qui y signe des articles politiques, des nouvelles, des feuilletons dans une note nettement anticléricale. (Extrait de « Histoire de Saint Nazaire» Fernand Guériff).
Nous avons retrouvé deux romans-feuilletons de Denis Diderot (1713-1784) publiés dans ce journal :
• La religieuse de Denis Diderot roman-feuilleton publié en 1892.
• Les deux amis de Bourbonne en 1893
Publié à titre posthume en 1796, "La Religieuse" est à la fois une satire des mœurs sexuelles et religieuses du XVIIIe siècle et une apologie de la liberté individuelle.
Les « Deux amis de Bourbonne » 1773 est un conte historique publié sous forme de feuilleton par le journal en 1893.
Deux sœurs ont chacune un fils. Au décès de l’une d’elles, l'autre élève les deux cousins, Olivier et Félix. Les deux « frères » s’aiment beaucoup, et se sauvent la vie à multiples reprises mais ….
« Félix était un gueux qui n’avait rien ; Olivier était un autre gueux qui n’avait rien et concluez qu’il ne peut y avoir d’amitié entière et solide qu’entre des hommes qui n’ont rien : un homme est alors toute la fortune de son ami et son ami est toute la sienne. »
A suivre ….
Denis Diderot est écrivain- philosophe maitre d’œuvre de l’encyclopédie. Il conçoit une morale du grand homme et du sage. « Il n'y a qu'une vertu, la justice ; qu'un devoir, de se rendre heureux ; qu'un corollaire, de ne pas se surfaire la vie et de ne pas craindre la mort. »
En ce sens, « il n'y a pas de lois pour le sage », dont la liberté consiste en une acceptation lucide de la nécessité, et dont le but est, autant que faire se peut, de se rendre « maître de soi ». Comme il est « heureusement né », il « trouvera grand plaisir à faire le bien »: l'optimisme du courage résout ainsi la contradiction entre le déterminisme et l'aspiration à la justice et au bonheur de tous. (Source Larousse Encyclopédie)
A méditer...
Autre publication toute aussi engagée !
Début janvier 1893 « La Démocratie de l’Ouest » informe ses lecteurs de la prochaine publication de « L’Enfant » de Jules Vallès
Jules Vallès (nom de plume de Jules Vallez), né au Puy-en-Velay en Haute-Loire, le 11 juin 1832 et mort à Paris le 14 février 1885, est un journaliste, écrivain et homme politique français d'extrême gauche.
Pendant la révolution de 1848, Vallès est lycéen à Nantes, et prend part avec conviction aux manifestations
Fondateur du journal Le Cri du peuple, il fait partie des élus lors de la Commune de Paris en 1871. Condamné à mort par contumace il doit s'exiler à Londres de 1871 à 1880. Il se consacre à son chef-d’œuvre : la trilogie de Jacques Vingtras : L'Enfant, 1879 - Le Bachelier, 1881 - L'Insurgé, 1886 qui se nourrit de différentes étapes de sa vie.
Le premier épisode est publié le 25 janvier 1993. La dédicace de l’auteur donne le ton du livre!
Le récit largement autobiographique se fait à la première personne. Jacques décrit sa mère :« Ma mère dit qu’il ne faut pas trop gâter les enfants, et elle me fouette tous les matins »
Récit cinglant adouci par l’intervention de Mademoiselle Balandreau !
A suivre...
Une analyse de cette mode
Le Phare de la Loire publie un article en deux épisodes, à la façon d’un roman-feuilleton sur cette mode du roman-feuilleton.
Nous lisons ce commentaire quelque peu misogyne du journaliste : « où ses yeux (ceux de la maitresse de maison !) se jettent-ils tout d’abord ? (…) sur le feuilleton !», « il faudra attendre 24 heures pour savoir où se cache l’amoureux de la préfète. Difficile pour un cœur féminin !
Hélas aujourd’hui pas de nouvel épisode du roman-feuilleton ! Des impératifs de l’actualité politique ont annulé cette publication ! Quelle déception pour notre lectrice qui, dépitée, abandonne toute lecture du journal !
Cependant le journaliste reconnait que la publication de roman-feuilleton permet à des personnes « de lire les annonces, les faits divers et le reste ».
Et de rappeler que les romans feuilletons publient de grands auteurs…… qui « font battre le cœur des grandes dames, des honnêtes bourgeoises et des petites modistes d’une égale émotion »
Et les hommes dans tout ça ? Très certainement ce journaliste pensait-il que le roman-feuilleton s’adressait uniquement au cœur féminin!
Rendez-vous nous est donné à la prochaine publication pour connaitre la moralité de tout ceci!
Avec empressement nous retrouvons l'épisode 2 !
Premier argument développé par le journaliste: « une littérature bon marché : cela ne coûte pas cher, et cela vaut ce que cela coûte".
Puis le journaliste dénonce certaines pratiques de romanciers « qui n’ont pas résisté à la popularité du moment, à cette gloire en gros sous qui se changeait si vite en billets de mille. »
Il dénonce aussi le découpage en tranche des romans qui vient amoindrir la force de l’étude et des techniques propres aux feuilletonnistes pour maintenir le lecteur en haleine : festonner l'intrigue.
Mais que faire contre ce mauvais goût ? s'insurge le journaliste! Rien ou du moins peu de chose pour le moment !
A SUIVRE...
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