SAINT-NAZAIRE à la Belle Epoque (de 1880 à 1914)...-20
IL ETAIT UNE FOIS ... LES IMPOTS !
Pendant tout le XIXème siècle, la question des impôts fait débat afin de définir "qui doit payer quoi". L'inégalité devant l'impôt est au coeur des controverses.
A la Belle Epoque, les principaux impôts sont indirects. Cependant, 4 impôts directs perdurent, "les quatre vieilles" comme on les nomme alors et ce sera le cas jusqu'en 1917. Ces impôts ont un taux très faible. Il s'agit de :
- la contribution foncière (taxe les terrains),
- la contribution mobilière (sur les ventes et les profits),
- la patente (sur les bénéfices commerciaux),
- la taxe sur les portes et fenêtres.
On va tenter de les réformer. Notamment l'impôt mobilier.
(l'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire - 20 février 1887)
(et de nouveau dans l'édition du 13 mars 1887)
La presse rapporte régulièrement que le Maire rappelle à ses concitoyens qu'une partie de leurs impôts revient à la Commune. Il ne faut donc pas oublier de payer !
(l'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire, 17 Janvier 1886)
D'autres contributions directes viennent compléter "les quatre vieilles". Ainsi, le Maire de Saint-Nazaire, M. Lechat (cela ne s'invente pas ...) rappelle l'obligation de s'acquitter de ... la taxe sur les chiens !
(Le Courrier de Saint-Nazaire - 7 octobre 1899)
déjà, bien avant ...
(Le Courrier de Saint-Nazaire - 18 octobre 1885)
et encore ...
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire - 24 avril 1892)
Si cette taxe nous étonne, une autre taxe s'applique aux biens dits de "mainmorte". En fait, ces biens de mainmorte sont des biens dont les propriétaires sont, en quelque sorte, des institutionnels, tels que des hôpitaux, des communes, des institutions scolaires, etc ...
(le Courrier de Saint-Nazaire - 19 mai 1906)
Autre taxe directe, la taxe militaire créée en 1889 et dont on évoque le recouvrement dans la presse.
(Le Courrier de Saint-Nazaire, 6 novembre 1891)
En 1892, on nous parle d'un projet de taxe directe sur les vélocipèdes, qui serait bien acceptée, au nom, précisément, de l'égalité devant l'impôt et qui deviendra effective en 1893.
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire)
Cette nouvelle taxe va exclure les pompiers à vélo, à partir de 1899 ... avec une précision ultime et amusante dans l'article qui suit:
(Le Courrier de Saint-Nazaire, 14 octobre 1899)
Taxes sur les billards publics et privés, taxe sur les journaux ...
Mais, il faut le répéter, le rendement de toutes ces taxes directes qui s'ajoutent "aux quatre vieilles", reste peu important.
Les contributions indirectes alimentent essentiellement les budgets de l'Etat et des Villes.
Droits sur la consommation: sel, sucre et bien d'autres denrées. Lisez cet article dont le ton donne bien l'importance de ces droits:
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire, le 19 juin 1887)
Mais aussi, bientôt, sur la consommation des boissons alcoolisées. Une réforme qui donne lieu à un article étonnant:
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire, 21 août 1892)
s'en suit, dans l'article, un long classement des villes les plus consommatrices ... d'alcool ! Une réforme qui doit remplir les caisses ...
On est loin des campagnes d'encouragement à la sobriété ...
Taxe sur les consommations, mais aussi droits de transport, droits d'octroi, donc d'entrée sur les denrées et objets vendus dans les villes et, notamment, le lait, les comestibles et les matériaux de construction pour n'en citer que quelques-uns ... et ... les boissons:
(Le Courrier de Saint-Nazaire, 15 janvier 1887)
Mais, cette taxe unique fait rapidement débat. Les habitants des hameaux autour de Saint-Nazaire s'y opposent ... Elle est, en effet, deux fois plus élevée ! On apprend que le sujet revient à plusieurs reprises à l'ordre du jour du Conseil Municipal:
(Le Courrier de Saint-Nazaire, 19 août 1899)
Le service des Contributions Indirectes veut en étendre le périmètre.
Le Conseil Municipal en débat encore, en septembre et semble s'y opposer également:
(Le Courrier de Saint-Nazaire, 1er septembre 1899)
Finalement, la taxe sera maintenue. Mais l'opposition perdure.
En 1900, une pétition des habitants de Sautron oblige, une nouvelle fois, le Conseil Municipal à porter cette question à l'ordre du jour.
(Le Courrier de Saint-Nazaire, 9 juin 1900)
...
On s'amuse des hésitations de Monsieur le Maire qui craint de "mécontenter les habitants de Sautron", bien qu'il y ait "avantage pour la Ville" de Saint-Nazaire !
(Le Courrier de Saint-Nazaire, 16 juin 1900)
...
Précisons que l'octroi représente 40 % du budget des villes jusqu'en 1900; et encore près de 28 % en 1913 !
Mais, ce n'est pas tout. Il existait d'autres contributions indirectes:
- droits d'enregistrement divers, tels que transmission de propriété entre vifs ou mutation après décès ...
- droits de succession,
- droits d'hypothèque.
(Le Courrier de Saint-Nazaire, 11 août 1900)
Les taxes s'ajoutent aux taxes, au fil des ans. On ne peut en faire, ici, une liste exhaustive. Aussi, un chroniqueur, en 1893, se réjouit-il de l'absence inédite d'une nouvelle taxe pour les travaux d'approfondissement du vieux bassin de Saint-Nazaire, tant Ville et Etat ont largement recours à la fiscalité !
(La Démocratie de l'Ouest, 25 janvier 1893)
On s'amuse de l'usage d'une typographie en caractère gras pour souligner la bonne nouvelle !!
Pourtant, à la Belle Epoque, les politiques ont conscience du poids des contributions indirectes et de leur injustice. Un débat, souvent houleux, existe donc, parmi d'autres, sur l'instauration d'un impôt progressif sur le revenu afin de pallier une fiscalité jugée inégalitaire et pour combler les déficits chroniques du budget de l'Etat.
L'exaspération du public est certaine. L'article qui suit en témoigne.
(Le Courrier de Saint-Nazaire, 16 juin 1900)
De 1871 à 1914, plus de 200 projets d'impôt progressif sur le revenu sont élaborés, mais, dès 1886, l'opposition est forte. La classe politique se déchire.
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire, 20 juin 1886)
Un peu plus tard, Sadi Carnot, en plein désarroi, se heurte au même problème, pour combler les déficits budgétaires:
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire, 1er novembre 1886)
La presse, même locale, se fait l'écho des controverses successives.
En première page, d'ailleurs, les journaux locaux publient projets et contre-projets. Voyez le contre-projet de Paul Doumer.
(La Démocratie de l'Ouest, 24 juin 1894)
Puis les projets successifs de M.Caillaux, en 1900 et en 1907, qui, à leur tour, occuperont les colonnes de la presse régionale.
Et, comme aujourd'hui, les opposants à tout nouvel impôt, quel qu'il soit, réclament que l'Administration lutte plutôt contre les fraudes.
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire, 24 avril 1887)
et la même année,
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire, 13 février 1886)
La presse de la Belle Epoque se fait, pendant plusieurs années, la tribune des uns et des autres, partisans ou opposants des réformes fiscales. Et, finalement, l'impôt progressif sur le revenu, ne sera créé qu'en 1914, après de nombreuses luttes.
Pendant ce temps, l'Administration des Contributions indirectes, dont la tâche est d'ampleur, pour le recouvrement de ces taxes, se renforce. Les avis de concours pour le recrutement de personnel paraissent régulièrement dans les journaux.
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire, 1er novembre 1885)
et aussi,
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire, 8 mai 1892)
et encore,
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire, 21 mai 1893)
Ces agents des Contributions sont considérés un peu comme des "notables". On fait part des nominations, des départs en retraite ou des nominations.
(L'Avenir de l'Arrondissement de Saint-Nazaire, 6 février 1887)
On l'aura compris, la question de la fiscalité est, à la Belle Epoque, un sujet essentiel, mais difficile. On en discute, la presse en témoigne, mais peu de choses changent. Il y a bien débat sur l'inégalité de l'impôt, sur qui doit payer quoi, mais ce débat perdure jusqu'au début du XXème siècle, sans réelle réforme de justice fiscale.
L'idée d'un impôt progressif sur le revenu sera longue à s'imposer ... Les principaux impôts restent bien les impôts indirects et leur cortège de taxes; taxes qui financent, en grande partie, le budget de l'Etat et celui des villes, telles que Saint-Nazaire.
La réforme, tant attendue et discutée, ce sera pour plus tard ...
Un grand merci à Michèle BELLET qui signe cet article, fruit de recherches très approfondies. Cet article nous permet de constater que les préoccupations n'ont pas tellement évoluées et que les sujets sont à peu près les mêmes, un siècle plus tard !
Paru en septembre et disponible à la vente sur le site !
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